Lucie Lespiau : infatigable militante du travail de mémoire

jeudi 10 novembre 2022
par  gabardan
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Pendant quinze ans, Lucie Lespiau s’est rendue tous les jeudis aux Archives Départementales des Landes à Mont de Marsan afin de collecter les informations concernant les rapports des administrations allemandes et vichyssoises avec la population de confession israélite vivant dans les Landes.
Nous publierons des extraits de son travail pour exhumer ces informations de l’oubli et rendre hommage au travail de Lucie Lespiau.

(l’image que vous voyez ne représente qu’une partie de ces milliers de notes manuscrites "

Le cas de Mme Gheldmann
31 décembre 1940 :
Gheldmann née Isman Berthe-Dax
... jeune roumaine, propriétaire d’un magasin de frivolités ... place de la fontaine chaude ...

29 janvier 1941 : L Feldkommandantur Mt de M à Me Martin (traduction)

"Contre la vente de l’affaire de Mme Gheldmann ... à Mme Harristoy villa "Milly" Quartier Peyrouton, Dax, il n’y a rien à objecter tant que l’on se conformera aux instructions suivantes :

L’acheteuse ne devra pas être juive et doit être complètement indépendante de la vendeuse Mme Gheldmann .... qu’il ne s’agisse pas d’une vente fictive et que les bénéfices futurs ne reviennent pas dans l’avenir à la vendeuse juive..."
Le Conseiller administrateur de guerre

15 mai 1941 : R. Inspecteur Duverger E à Commissaire Spécial Mt de M, n° 402

"...Mme Gheldmann, née Isman Berthe, le 27 mars 1907 à Kispest (Hongrie) de nationalité roumaine par mariage, en garni depuis 2 ans environ avec son fils Georges né le 28 septembre 1931 à Paris, chez Mr Destandeau, Place de la Cathédrale à Dax. Elle est de confession israélite.

... Les renseignements recueillis sur cette étrangère ne sont pas défavorables ... tenant compte que cette dame n’est pas une charge pour la collectivité et ... elle a de bons sentiments envers notre pays, j’estime qu’il n’y a pas lieu pour le moment d’envisager une mesure administrative à son égard."

16 octobre 1941 : Le Préfet à Sous-Préfet

"... me faite connaître la profession exercée actuellement par Mme Gheldmann..."

22 octobre 1941 : R n° 1287 - Inspecteur Duverger

"... la nommée Gheldmann .... est domiciliée Place Roger Ducos à Dax depuis le mois de février 1941...
Depuis la cessation de commerce "Frivolités" ... ne se livre à aucune occupation rémunératrice.

Elle a vécu pendant quelque temps du produit de la vente de ses bijoux personnels. Il y a quinze jours elle a été avisée par l’Avoué qui a procédé à la liquidation de son magasin, qu’une somme de 600F par mois serait mise à sa disposition à prendre sur le produit de vente de son commerce se montant à 16.000F bloqués en Banque."

25 juillet 1942 : Le Sous-Préfet à Préfet
Mesures prises contre les Juifs par les Autorités d’Occupation

A la suite à l’arrestation à Dax d’un certain nombre de juifs étrangers et de leur transfert par les autorités d’occupation au Camp de Mérignac, j’ai été amené à constater que des points essentiels concernant l’application de ces mesures m’étaient imparfaitement connus et prêtaient même à confusion avec les instructions que les Services de la Police Spéciale Allemande possèdent.

A cet effet, vous m’avez fait parvenir le 16 écoulé une note dans laquelle il était spécifié qu’à la suite d’accords intervenus entre les Hautes Autorités à Paris, les mères juives pouvaient emmener avec elles leurs enfants si elles en exprimaient le désir. En vertu de ces instructions, Mme Gueldmann, d’origine roumaine, ayant déclaré que son fils, âgé de 10 ans, la suive au Camp de Mérignac, celui-ci passa la nuit en sa compagnie à la prison de Dax, le lendemain les Autorités d’Occupation s’opposèrent, malgré deux démarches que je fis auprès d’elles, au départ de l’enfant pour Mérignac en compagnie de sa mère.

La police spéciale allemande (S.D) déclara ne pas avoir connaissance de ces accords, se mit en rapport téléphoniquement avec ses services supérieurs à bordeaux qui lui confirmèrent que les enfants juifs ne pouvaient suivre leurs parents et devaient être confiés aux autorités religieuses juives.

Je ne possède d’autre part aucune précision en ce qui concerne la nationalité des juifs contre lesquels des mesures de contrainte ne sont pas envisagées par l’Autorité Allemande.

Désirant, pour l’avenir, éviter toute complication qui pourrait résulter d’une documentation incomplète sur cet important chapitre, j’ai, en conséquence, l’honneur de vous prier de me faire parvenir dès que possible, les instructions concernant les enfants juifs.

A qui en pareil cas convient-il de les confier ? Lorsqu’une personne qui les a bénévolement recueillis ne peut plus s’en charger, quel est l’organisme qualifié pour s’occuper d’eux ?

Existe-t-il pour le département des Landes, un représentant de l’organisation pour l’aide aux Israélites qui fonctionne à Bordeaux ?
Peut-on enfin envoyer l’enfant Gueldmann à Bordeaux et à quelle adresse ?
Le Sous-Préfet

29 juillet 1942 : L.Paul Cougouille, dessin et sculpture d’Art, Bd claude Lorrin, Dax à Sous-Préfet

..." J’ai chez moi la garde de l’enfant de Mme berthe Gheldmann .... habitant seul chez moi .... je ne puis remplacer sa mère ... Je viens donc, M le S/Préfet vous demander de hâter les démarches nécessaires pour conduire l’enfant en zone libre puisque sa mère l’exige..." (Chez Mme Isman, Brive la Gaillarde (Corrèze))

29 juillet 1942 : L. Cougouille à S/Préfet
...." le jeune Georges Gheldman .... a disparu de chez moi le mardi 28 juillet vers 17h"...

Que sont devenus Georges Gheldman et sa maman ?

Berthe Gheldman sera déportée dans le convoi n° 2 le 19 juillet 1942 et mourra en déportation.

Le petit Georges sera mis en sûreté et sauvé par Paul Cougouille, par ailleurs militant communiste.
(voir à ce sujet la rubrique "Histoire tragique des enfants juifs dans les Landes 3)
http://resistance-genocide-landes.org/ecrire/?exec=article&id_article=11


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